Mort d’Adama Traoré : reconstitution et zones d’ombres
L’analyse de la vidéosurveillance, des échanges radio des forces de l’ordre et des témoignages-clés ont permis au « Monde », en partenariat avec Forensic Architecture, de reconstituer en images et en 3D les dernières heures d’Adama Traoré, mort le 19 juillet 2016.
À la date de publication de cette enquête, l’ONG d’investigation indépendante INDEX était encore en phase d’incubation au sein de l’agence de recherche Forensic Architecture. INDEX n’est donc pas auteur direct de cette enquête – celle-ci étant signée Forensic Architecture et Le Monde.
Date de l’incident
19.07.2016
Lieu de l’incident
Beaumont-sur-Oise (95), France
Conséquence(s)
Mort
Mots-clé
Partenaires
Adama Traoré, un jeune homme noir de 24 ans, est mort en garde à vue le 19 juillet 2016, à Beaumont-sur-Oise, dans la banlieue nord de Paris. Vers 17 heures ce jour-là, Traoré a croisé une patrouille de trois policiers. Deux heures plus tard, il gisait mort sur le sol de la gendarmerie de Persan. L’incertitude entourant sa mort a déclenché un important mouvement de revendication à travers la France, qui se poursuit à ce jour.
Sur la base des déclarations de différents témoins, des images de vidéosurveillance et d’autres éléments de l’enquête officielle en cours, Le Monde et Forensic Architecture ont produit une reconstitution détaillée des événements qui ont conduit à la mort de Traoré.
Malgré l’examen minutieux auquel les policiers ont été soumis lors de leurs interrogatoires officiels, leurs déclarations ne permettent pas de dégager une version unique et univoque des événements. Pour cette raison, Forensic Architecture a produit de multiples reconstructions numériques des moments clés, visualisant les récits distincts et parfois contradictoires donnés par chaque officier. Notre enquête révèle comment la principale expertise médicale diligentée par la justice repose sur un témoignage unique et contradictoire.
En raison de la nature intrinsèquement partielle des témoignages, l’enquête n’apporte pas de conclusion définitive sur les circonstances de la mort d’Adama Traoré, mais démontre l’écart qui subsiste entre la version officielle des faits et les preuves disponibles.
Méthode
Le principal défi de cette enquête était l’absence de toute preuve matérielle autour des circonstances de l’arrestation de Traoré, à l’intérieur de l’appartement où il a été appréhendé. La seule source d’information disponible était les déclarations des trois gendarmes ayant procédé à l’arrestation. Chaque agent a livré trois déclarations différentes entre 2016 et 2018. L’ensemble de ces déclarations ne permet pas de dégager une version unique des événements. Pour cette raison, Forensic Architecture a produit de multiples reconstitutions numériques des moments clés, visualisant les récits distincts et parfois contradictoires donnés par chaque agent.
Le processus de modélisation 3D des positions et des gestes du suspect et des trois agents, tel que décrit dans leurs propres déclarations, a permis une étude détaillée de la configuration de leurs corps, et a mis en évidence les « zones d’ombres » qui subsistent encore autour des causes de la mort de Traoré.
Le même processus de reconstruction a été employé pour visualiser les conditions dans lesquelles Traoré a été détenu. D’autres contradictions sont ainsi apparues quant à l’assistance dont Traoré a bénéficié (ou n’a pas bénéficié) après avoir perdu connaissance en garde à vue.
Malgré les nombreuses demandes formulées par la famille d’Adama Traoré et leur avocat, la justice française n’a toujours pas ordonné qu’une reconstitution physique des moments clés du déroulé soit réalisée.
Équipe
FORENSIC ARCHITECTURE | |
Responsable de projet | Francesco Sebregondi |
Modélisation 3D | Antoine Schirer Nicholas Masterton |
LE MONDE | |
Enquête | Nicolas Chapuis Asia Ballufier |
Motion design | Olivier Escher Marceau Bretonnier |
Coordination éditoriale | Charles-Henry Groult |